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Ainsi va la vie qui va
Ainsi va la vie qui va
12 août 2008

Montréal-Nord

Je tiens beaucoup a garder mon anonymat sur ce site et pourtant, aujourd'hui je ne peux pas passer sous silence qui je suis.

Je suis une petite blanche qui a grandit dans un beau petit quartier qu'on appelle Montréal-Nord. Quartier tranquille tenu pendant plus de 30 ans par un merveilleux maire sympathique, fumeux de cigares, mais toujours rieur, M. Ryan.

Ma mère est arrivée dans la campagne de Montréal-Nord durant les années 50. Elle allait à l'école secondaire Henri-Bourassa classique. Pour s'y rendre, elle devait traverser des champs. Pour ceux qui connaissent le coin, imaginez qu'il y a un peu plus de 30 ans, l'intersection Lacordaire/Henri-Bourassa n'était que du foin plein de couleuvres.

Mon père est arrivé adolescent dans le coin de Leger/Lacordaire. Une maison neuve avec 4-5 chambres.

Mon enfance, je l'ai passé à Montréal-Nord. J'ai cotoyé toutes les nationalités. J'allais à Calixa-Lavallée. Il y avait de drôles d'individus sur Pelletier, juste en face, mais on ne se mêlait pas à ça. On ne voulait pas de problèmes.

Il y a quelques semaines, 3 tentatives de meurtres ont eu lieu dans l'est de la ville, dont une au Ritz... Ne rentrait pas qui voulait au Ritz. J'avais des amis qui y allaient. J'y suis même déjà entrée 1 seule fois. Je me suis assise sur un sofa de cuir avec mon ex copain. Peut-être que la personne qui a failli mourrir a perdu son sang sur ce même sofa de cuir noir... Qu'est-ce que c'est étrange d'y penser. Ça semble si proche et si loin de moi!

Plus récemment, une amie a reçue un plomb dans le bas du dos. Deux imbéciles en scooter se sont promenés cette soirée là en se disant : Alors tirer du gun à plombs sur des humains, ça doit être drôle.

Je suis déménagée dans un autre quartier pour différentes raisons, mais ça n'a jamais été une question d'insécurité. Je vais toujours à Montréal-Nord. Ma famille s'y trouve encore. Mes amis aussi. Ainsi que toutes mes habitudes de vie... Ma pharmacie, mon épicerie, mon dentiste, alouette...

On dit qu'on peut sortir de Montréal-Nord, mais on ne peut pas sortir Montréal-Nord de la fille... Je crois qu'il faut y avoir vécu pour comprendre ce que je ressens aujourd'hui.

Hier soir, j'étais à LaPrairie. J'essayais de convaincre ma belle-famille que dans le fond, mon quartier a seulement une mauvaise réputation. En fait, c'est un bouillon de culture fantastique ou se cottoie plein de gens. Pauvres/riches, noirs/blancs, francophone/anglophone, islamiques/chrétiens, alouette.

Lorsque je suis revenue chez moi, mon répondeur surchauffait de messages. Parmis ces messages, ma soeur en panique me disant qu'il y avait des émeutes dans notre quartier. J'ai donc ouvert la télé en me disant que ma soeur était une criss de folle.

Qu'elle ne fut pas ma surprise de retrouver une image du coin, avec une voiture en flamme devant et plein de jeunes pillants les boutiques pas très riches du coin. Ma belle-famille a dû me prendre pour une belle retardée.

Je suis en colère. En colère de cette réputation que nous sommes en train de nous créer. En colère contre les imbéciles heureux qui viennent de mettre en faillite des commercants. Frustrée contre la police qui a tué quelqu'un la veille sous pression, alors qu'il n'y avait peut-être pas raison de paniquer.

Mais avant toute chose, je suis fâchée contre moi-même, contre la ville et contre tout ceux responsables de cette histoire. Ça fait déjà plus de 25 ans que ce coin-ci de Montréal-Nord est un quartier surpeuplé, laissé à lui-même, sans encadrement et sans service. Les enfants d'il y a 20 ans, on ne leur a appris rien d'autre que ce rejet de la société face à la pauvreté. Ce cercle vicieux de ghetto qu'on continue à perpetuer par une approche policière innapropriée.

Il est un peu tard pour la prévention ... J'aimerais vous dire que nous ne sommes pas responsables et que ce ne sont que de jeunes voyous,  mais pour avoir grandi dans ce coin, je me sens responsable. Je me dis que ça aurait pu être moi. Si je me sens interpellée en tant que jeune blanche de Montréal-Nord, venant d'une famille un peu au dessus de la moyenne, imaginez un jeune noir venant d'un milieu pauvre habitant sur Pascal... ça aurait pu être n'importe qui d'entre nous.

Il serait peut-être temps de réparer nos torts et d'essayer d'être meilleur l'un envers l'autre.

Je ne te connaissais pas Fredy, mais personne ne mérite ton sors. Je m'excuse d'avoir fermer les yeux sur la situation de ma ville...

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Commentaires
M
Merci à toi lutopium d'être passé ici. Ça me soulage de savoir que plusieurs personnes partagent mes opinions. J'ai rencontré tellement (trop) de gens au courant de la semaine qui semblaient scander haut et fort que le policier ne faisait que son travail et encore une fois, que c'est la faute des jeunes...<br /> <br /> Qu'est-ce que sont des jeunes au bout du compte? Le reflet de notre societé. Et ils sont aussi ce que nous avons fait d'eux... <br /> <br /> Merci encore :)
L
Merci énormément pour ce témoignage. Ça aide à comprendre. Je suis entièrement d'accord avec toi: nous sommes tous responsables de cette situation. Il est évident que les gens qui nous représentent dans l'exercice de la démocratie ne veulent pas apporter des solutions efficaces et durables. Et dire que ceux qui prétendent être en mesure de remplacer les partis traditionnels proposent de couper encore plus dans les services d'intervention sociale tout en augmentant les effectifs policiers.<br /> <br /> Il est impératif qu'on se donne les moyens pour court-circuiter ces nouvelles tendances visant le repli-sur-soi et le désengagement social.
M
Très belle réponse aussi Jo. C'est une grande remise en question pour nous tous
J
Tu exprimes parfaitement les malaises que plusieurs d'entre nous ressentons... <br /> Je pense aussi qu'il est trop tard pour la prévention... en tout cas, la marche est haute pour arriver à défaire ce noeud coulant d'injustice sociale... et pourtant, on le voyait tous arriver, non?<br /> J'habitais tout près de la rue Pelletier, il y a 20 ans... Il n'y avait dans ce quartier, que des jeunes couples dans leur premier appartement pas trop cher et des vieux dans les quelques jolies petites maisons ayant échapées aux bulldozers... C'était tranquille, les enfants jouaient sur les trottoirs... Et puis, 10 ans plus tard, sont arrivés les maisons de crack, les dealers de toutes sortes de cochonneries... Et le tout s'est propagé avec les résultats que l'on connait... <br /> Ce n'est pas tellement l'individu qui est à blâmer, je nous sens tous plus ou moins impuissants, pris un par un, mais les décideurs... qui laissent aller, qui n'agissent finalement qu'avec des solutions à court termes... <br /> On accueille des milliers d'immigrants, mais est-ce que les structures d'accueil sont adéquates? C'est à ce niveau, je crois, que de gros changements sont à envisager et à effectuer... <br /> Très beau texte encore aujourd'hui, Mica...
M
Je suis soulagée de savoir que je ne suis pas la seule.<br /> <br /> J'espère que ça va les faire réagir!
Ainsi va la vie qui va
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